Un octogénaire plantait.
Passe encor de bâtir ; mais planter à cet âge !
Disaient trois jouvenceaux, enfants du voisinage ;
Assurément il radotait.
Car, au nom des Dieux, je vous prie,
Quel fruit de ce labeur pouvez-vous recueillir ?
Autant qu'un Patriarche il vous faudrait vieillir.
A quoi bon charger votre vie
Des soins d'un avenir qui n'est pas fait pour vous ?
Ne songez désormais qu'à vos erreurs passées :
Quittez le long espoir et les vastes pensées ;
Tout cela ne convient qu'à nous.
- Il ne convient pas à vous-mêmes,
Repartit le Vieillard. Tout établissement
Vient tard et dure peu. La main des Parques blêmes
De vos jours et des miens se joue également.
Nos termes sont pareils par leur courte durée.
Qui de nous des clartés de la voûte azurée
Doit jouir le dernier ? Est-il aucun moment
Qui vous puisse assurer d'un second seulement ?
Mes arrière-neveux me devront cet ombrage :
Eh bien défendez-vous au Sage
De se donner des soins pour le plaisir d'autrui ?
Cela même est un fruit que je goûte aujourd'hui :
J'en puis jouir demain, et quelques jours encore ;
Je puis enfin compter l'Aurore
Plus d'une fois sur vos tombeaux.
Le Vieillard eut raison ; l'un des trois jouvenceaux
Se noya dès le port allant à l'Amérique ;
L'autre, afin de monter aux grandes dignités,
Dans les emplois de Mars servant la République,
Par un coup imprévu vit ses jours emportés.
Le troisième tomba d'un arbre
Que lui-même il voulut enter ;
Et pleurés du Vieillard, il grava sur leur marbre
Ce que je viens de raconter.
Jean de la Fontaine
Merci de ce partage...Cette fable met en exergue deux éléments fondamentaux à mon sens :
RépondreSupprimer- la conscience de la fragilité de la vie, auquel tout un chacun est assujetti, quelque soit son âge
Mais aussi et surtout :
- La grande sagesse qui consiste à avoir conscience que l'action entreprise doit puiser sa source dans les effets qu'elle produira, pour autrui, et que cette source et bien les instigateurs n'en sont pas forcément les bénéficiaires....Une bien jolie définition de l'engagement au bénéfice d'autrui...
....Pour une loi visant à obliger tout homme politique, élu par le peuple, à connaitre sur le bout des doigts la totalité de l'œuvre de Monsieur De La Fontaine, histoire de s'assurer, à minima, de l'existence d'une pointe de bon sens dans leurs actions... ;-) ;-) ;-)
Sonia ...Povitch
Bonjour Sonia, bonjour à tous !
RépondreSupprimerQuand j'ai eu un jardin pour la première fois après avoir quitté celui de mon enfance, "gagné" grâce à un billet de loterie nationale acheté par ma mère parce que "ce pauvre homme est handicapé", j'ai été bêtement tenté de ne planter que des végétaux dont la croissance serait rapide et visible dans les meilleurs délais ! Avec le recul et la leçon donnée par mon père, qui plantait des arbres à 85 ans "pour les autres", je réalise le paradoxe du fait que le plus souvent, ceux qui sont les plus impatients sont ceux qui ont toute la vie devant eux et ceux qui prennent le temps de vivre sont les "anciens" qui ont déjà fait l'essentiel du parcours !
Personnellement je ne trouve pas cela paradoxal que les plus jeunes soient pressés, parce qu'ils ont hâte de Savoir, d'apprendre, de Connaître, bref hâte de se délecter de tout cela, car ils sont avides de vie, puisque celle ci est devant eux ! Et le raisonnement me semble tout autant cohérent pour ce qui relève de nos Anciens, qui, ayant le Bonheur de connaitre presque toutes les nuances de la Vie, souhaitent arrêter le temps pour que cette délectation justement dure encore et toujours...jusqu'à l'ultime souffle....Mais peut être est-ce là l'interprétation excessive de l'incorrigible Épicurienne Hédoniste que je suis !
RépondreSupprimerUne très belle journée à vous !
Sonia
Bonsoir
RépondreSupprimerQuand j'étais enfant nous avions un grand jardin autour de la maison familiale à Bollène (et nous l'avons toujours) et mon Père que j'aidais de temps en temps me disait toujours, il faut du temps pour qu'un arbre pousse, il sera adulte quand tu seras grand puis tes enfants et petits enfants, un jour, profiteront de son ombre et de ses fruits...
Mon Père nous a quitté en 1993 et aujourd'hui quand je vais entretenir un peu le jardin familial je pense à ses propos et effectivement, mes enfants et petits enfants n'oublient jamais de faire un tour dans le jardin lorsqu’ils rendent visite à leur Grand-Mère et arrière Grand-Mère et profitent de ce qui a été planté par leur grand-Père ou parfois arrière Grand-Père. Me retrouver au pied de ces arbres est toujours pour moi un moment d'émotion et de nostalgie.Planter un ou plusieurs arbres destinés aux générations futures est un beau geste symbolique, je me suis régulièrement plié à cette tradition, j'en suis très heureux...
bonjour dominical,
RépondreSupprimerCe sujet est en quelque sorte dans le prolongement d'une réponse que me faisait Bernard à propos de mon pessimisme de faire changer les choses.
Sauf que, lorsqu'on plante un arbre, même si ce sont les générations futures qui en profiteront, on a une certitude que le cerisier restant vivant fera des cerises, que le micocoulier nous fera de l'ombre.. mais comment faire confiance à des politiques "menteurs comme des arracheurs de dents" tournant au gré du vent pour des carriérismes ou des profits douteux.
Pour s'en persuader, sans remonter au déluge, Chirac élu contre le FN promettait d'être le président de tout le monde car il avait été élu aussi par la gauche ... on sait ce qu'il en est devenu y compris avec l'aide de Jospin; Sarko a été le président pour le medef et ses amis...
Et le Hollande nouveau, à peine élu tourne le dos aux promesses et aux attentes des citoyens. Aux dernières nouvelles (en plus de la reculade sur la fiscalité, la santé), voici que se profile
environ 30 milliards d'impôts nouveaux (" l'effort de réduction du déficit public serait "le plus important depuis 30 ans".
conclusion:
Le niveau de confiance n'est pas du tout le même.