jeudi 16 août 2012



L' ÉCONOMIE POLITIQUE
Poème d' EUGÈNE POTTIER
29 JUILLET 1880 
 
 
De tous les droits que l'homme exerce
 Le plus légitime au total
 C'est la liberté du commerce
 La liberté du Capital   

 
 La loi c'est "l'offre et la demande"
 Seule morale à professer
 Pourvu qu'on achète et qu'on vende
 Laissez faire, laissez passer !


 
  Et que rien ne vous épouvante
 Car y glissa-t- il du poison
 Si le marchand triple sa vente
 Il prouve net qu'il a raison
 Que ce soit morphine ou moutarde
 Truc chimique à manigancer
 C'est l'acheteur que ça regarde
 Laissez faire, laissez passer !



                                     Les travailleurs ont des colères
 Dont un savant n'est pas touché
 Il faut bien couper les salaires
 Pour arriver au bon marché

Par un rabais de deux sous l'heure
 Des millions vont s'encaisser
 Et puis croyez-vous qu'on en mesure
 Laissez faire, laissez passer !



   Pour le bien des corps et des âmes
 Doublons les heures de travail
 Venez enfants filles et femmes
 La fabrique est un grand bercail
 Négligez marmots et ménage
  Ça presse pour vous prélasser
 Vous aurez des mois de chômage
 Laissez faire, laissez passer !



   L'étranger a l'article en vogue
 Trouve un rapide écoulement
 N'écoutons pas ce démagogue
 Qui nous prédit l'engorgement
 Il faut bravant ces balourdises
 En fabriquant à tout casser
 L'inonder de nos marchandises
 Laissez faire, laissez passer !


   Par essaims, le chinois fourmille
 Ils ont des moyens bien compris
 Pour s'épargner une famille
 Et travailler à moitié prix
 Avis aux ouvriers de France
 Dans leur sens, il faut s'exercer
 Pour enfoncer la concurrence
 Laissez faire, laissez passer !


   Sous le Siège dans la famine
 J'ai défendu la liberté
 Voulant fidèle à la doctrine
 Rationner par la cherté
 Chaque jour et sans projectile
 Par vingt mille on eut vu baisser
 Le stock des bouches inutiles
 Laissez faire, laissez passer !


   Qu'on accapare la denrée
 Qu'on brûle greniers magasins
 Que pour régler des droits d'entrée
 On se bombarde entre voisins
 Que le faible soit la victime
 Bonne à tromper piller sucer
 L'économie a pour maxime
 Laissez faire, laissez passer !

 
 

6 commentaires:

  1. Bonjour, c'est bien d'actualité. 132 ans après on est au même point, et ce n'est pas sur le point de changer

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  2. Eh oui ! On est complètement dans le "laisser faire, laisser passer". Un petit commentaire : l'administration des Douanes françaises est passée d'une "administration de contrôle de circulation des personnes et des marchandises" à une administration d'accompagnement des entreprises". Tout est dit ! Le profit, encore le profit, toujours le profit. Et les politiques au service des marchés ...

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  3. Merci à ces deux contributeurs ! C'est vrai que c'est frappant de constater que 132 ans se sont écoulés depuis ce texte...
    Annie a raison, les mots, les dénominations ont toute leur importance !

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  4. Bernard, éternel recommencement ou poursuite ineluctable de l'Histoire sociale et économique? entre un capitalisme exacerbé qui laisse tant de personnes au bord du chemin et un communisme collectiviste qui nivelle la libre entreprise, le solidarisme ne serait il pas la clé du 21ème siècle? Maintes fois évoqués mais rarement mis en place, il reste l'option qui permettrait le juste équilibre entre l'Humain et le Capital. Notre pays confondant trop souvent centrisme et mollesse? oui le solidarisme se doit de retrouver son rang, en première ligne des choix majeurs pour nos concitoyens.

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  5. Je ne sais pas s'il faut que le "solidarisme" de Léon Bourgeois soit LA solution à nos problèmes ! Par contre je me demande s'il peut y avoir un "équilibre" entre l' Humain et le Capital, puisque le propre de ce dernier est de ne considérer l' Humain que comme moyen de production et non ses besoins comme but de la production ! Peut-on rêver à une société sans classes ? Oui, certainement, mais cela voudra dire qu'il y aura une appropriation collective des moyens de production et d'échange...ce qui ne doit pas faire partie des thèses développées par le "solidarisme" !
    S'il fallait trouver un point d'accord entre nous, ce que je souhaite, ne serait-il pas :
    -le capitalisme a prouvé son inefficacité économique et son côté impitoyable broyeur des individus au simple bénéfice de la richesse matérielle...La loi du profit maximum précipite ce système dans une spirale de l'échec et de la déshumanisation...
    - le pseudo "socialisme" tel qu'on l'a connu a été inefficace sur le plan économique et dangereux dans son inclinaison à priver les individus de libertés individuelles...malgré ses réalisations incontestables dans certains pays que ce système a sortis de la misère
    - nos enfants vont devoir, en-dehors des "modèles" créer un nouveau Monde. Cela ne pourrait-il pas être un monde fondé sur la coopération, la mutualisation, l'autogestion, l'appartenance de pans entiers de l'économie au public pour assurer un accès équitable pour tous aux services publics ? Un monde réhabilitant l' Humanisme, la véritable Liberté (réelle et non formelle), la vraie Égalité, l'indispensable Fraternité dans la Laïcité ?
    Bonne journée à tous !

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  6. le solidarisme inverse le processus en mettant l'Humain avant le capital, au coeur de la société sans anéantir toute libre entreprise, c'est un réel équilibre, le juste milieu, voire le centre parfait...une forme d'idéal à conceptualiser à nouveau au 21ème siècle. Ce début de mandat ne fait réver personne, 100 jours pour quoi pour qui? pour la gauche 81 représenta le changement et l'espoir, de grandes réformes furent immédiatement appliquées comme l'abolition, les lois de décentralisation, la 5ème semaine de congés payés, les 39 heures. et pourtant très vite, le peuple de gauche a déchanté, le pc a quitté le navire gouvernemental, on connait la suite. Mais là!!! les mesures phares, historiques, sociales Humaines, elles sont où? Bernard, bravo pour votre audience en plein été sur ce support.

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