CEUX QUI VIVENT CE SONT CEUX QUI LUTTENT...
VICTOR HUGO
Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent ; ce sont
Ceux dont un dessein ferme emplit l'âme et le front.
Ceux qui d'un haut destin gravissent l'âpre cime.
Ceux qui marchent pensifs, épris d'un but sublime.
Ayant devant les yeux sans cesse, nuit et jour,
Ou quelque saint labeur ou quelque grand amour.
C'est le prophète saint prosterné devant l'arche,
C'est le travailleur, pâtre, ouvrier, patriarche.
Ceux dont le coeur est bon, ceux dont les jours sont pleins.
Ceux-là vivent, Seigneur ! les autres, je les plains.
Car de son vague ennui le néant les enivre,
Car le plus lourd fardeau, c'est d'exister sans vivre.
Inutiles, épars, ils traînent ici-bas
Le sombre accablement d'être en ne pensant pas.
Ils s'appellent vulgus, plebs, la tourbe, la foule.
Ils sont ce qui murmure, applaudit, siffle, coule,
Bat des mains, foule aux pieds, bâille, dit oui, dit non,
N'a jamais de figure et n'a jamais de nom ;
Troupeau qui va, revient, juge, absout, délibère,
Détruit, prêt à Marat comme prêt à Tibère,
Foule triste, joyeuse, habits dorés, bras nus,
Pêle-mêle, et poussée aux gouffres inconnus.
Ils sont les passants froids sans but, sans noeud, sans âge ;
Le bas du genre humain qui s'écroule en nuage ;
Ceux qu'on ne connaît pas, ceux qu'on ne compte pas,
Ceux qui perdent les mots, les volontés, les pas.
L'ombre obscure autour d'eux se prolonge et recule ;
Ils n'ont du plein midi qu'un lointain crépuscule,
Car, jetant au hasard les cris, les voix, le bruit,
Ils errent près du bord sinistre de la nuit.
Quoi ! ne point aimer ! suivre une morne carrière
Sans un songe en avant, sans un deuil en arrière,
Quoi ! marcher devant soi sans savoir où l'on va,
Rire de Jupiter sans croire à Jéhova,
Regarder sans respect l'astre, la fleur, la femme,
Toujours vouloir le corps, ne jamais chercher l'âme,
Pour de vains résultats faire de vains efforts,
N'attendre rien d'en haut ! ciel ! oublier les morts !
Oh non, je ne suis point de ceux-là ! grands, prospères,
Fiers, puissants, ou cachés dans d'immondes repaires,
Je les fuis, et je crains leurs sentiers détestés ;
Et j'aimerais mieux être, ô fourmis des cités,
Tourbe, foule, hommes faux, coeurs morts, races déchues,
Un arbre dans les bois qu'une âme en vos cohues !
Pour le romantique Victor Hugo, la vie est un combat, les hommes doivent s'engager et défendre leurs idées. En affirmant "ceux qui vivent sont ceux qui luttent", Hugo clame en quelque sorte sa profession de foi, sa raison de vivre et présente la vie comme un combat. Il n'en demeure pas moins qu'elle inclut le sème de la violence et pose problème. On peut considérer la vie comme un espace de lutte à condition de nuancer et d'atténuer ses connotations guerrières. En effet, on peut concevoir cette lutte comme un échange et un dépassement de soi... Une révolte positive non tournée contre les autres mais menée avec les autres contre la mort et l'injustice.
RépondreSupprimerBonsoir monsieur Ferre,
RépondreSupprimerA votre conception, certainement celle d'un homme de foi que je respecte, j'opposerais (sans violence lol) celle des révolutionnaires. Pourquoi redouter systématiquement le conflit ? On ne vit pas hélas chez les Bisounours. Quand les ouvriers luttent pour éviter la fermeture de leur boite, on leur envoie souvent les CRS qui leur tapent dessus. Quand les étudiants exigent une dimension sociale au canada et luttent contre l'injustice de droits d'inscription bien trop chers, la police les gaze et procéde à des arrestations. Quand les palestiniens demandent à vivre sur leur terre et avec un état, on rase leurs maisons et on tue leurs enfants.L'histoire nous montre que face à chaque revendication de justice et de fraternité, à chaque demande sociale, à toute tentative révolutionnaire m^me pacifique il y a des forces contre révolutionnaires qui utilisent la violence. Est ce qu'il faut que les révolutionnaires se laissent taper dessus ?
Pipenbois, merci pour votre participation...Je ne pense pas que Norbert ait écrit dans sa contribution ce que vous semblez lui reprocher ! Je pense qu'il a exprimé un vœu et non le constat d'une réalité actuelle...
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