mercredi 28 novembre 2012

L' ISOLEMENT...

Le poème « L’isolement » est extrait de l’œuvre 
d' Alphonse de Lamartine,Les Méditations poétiques.

Publié en 1820, ce recueil de poèmes est l’acte de naissance
 du romantisme, courant littéraire caractérisé
 par le lyrisme, l' expression des sentiments personnels
 et par des thèmes tels que la nature, la 
solitude, la mort, bref « le mal de vivre ».
 Il s’agit dans ce texte des sentiments 
de tristesse et de découragement qui animent le poète
 suite à la perte d’un être cher.
 
 
 
 
  
Souvent sur la montagne, à l'ombre du vieux chêne,
Au coucher du soleil, tristement je m'assieds;
Je promène au hasard mes regards sur la plaine,
Dont le tableau changeant se déroule à mes pieds.

Ici gronde le fleuve aux vagues écumantes,
Il serpente, et s'enfonce en un lointain obscur;
Là le lac immobile étend ses eaux dormantes
Où l'étoile du soir se lève dans l'azur.

Au sommet de ces monts couronnés de bois sombres,
Le crépuscule encor jette un dernier rayon,
Et le char vaporeux de la reine des ombres
Monte, et blanchit déjà les bords de l'horizon.

Cependant, s'élançant de la flèche gothique,
Un son religieux se répand dans les airs,
Le voyageur s'arrête, et la cloche rustique
Aux derniers bruits du jour mêle de saints concerts.

Mais à ces doux tableaux mon âme indifférente
N'éprouve devant eux ni charme, ni transports,
Je contemple la terre, ainsi qu'une ombre errante :
Le soleil des vivants n'échauffe plus les morts.

  De colline en colline en vain portant ma vue,
Du sud à l'aquilon, de l'aurore au couchant,
Je parcours tous les points de l'immense étendue,   
Et je dis : Nulle part le bonheur ne m'attend.

Que me font ces vallons, ces palais, ces chaumières,
Vains objets dont pour moi le charme est envolé;
Fleuves, rochers, forêts, solitudes si chères,
Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé.

Que le tour du soleil ou commence ou s'achève,
D'un œil indifférent je le suis dans son cours;
En un ciel sombre ou pur qu'il se couche ou se lève,
Qu'importe le soleil? Je n'attends rien des jours.

Quand je pourrais le suivre en sa vaste carrière,
Mes yeux verraient partout le vide et les déserts;
Je ne désire rien de tout ce qu'il éclaire,
Je ne demande rien à l'immense univers.

Mais peut-être au-delà des bornes de sa sphère,
Lieux où le vrai soleil éclaire d'autres cieux,
Si je pouvais laisser ma dépouille à la terre,
Ce que j'ai tant rêvé paraîtrait à mes yeux?

Là, je m'enivrerais à la source où j'aspire,
Là, je retrouverais et l'espoir et l'amour,
Et ce bien idéal que toute âme désire,
Et qui n'a pas de nom au terrestre séjour!

Que ne puis-je, porté sur le char de l'aurore,
Vague objet de mes vœux, m'élancer jusqu'à toi,
Sur la terre d'exil pourquoi resté-je encore?
Il n'est rien de commun entre la terre et moi.

Quand la feuille des bois tombe dans la prairie,
Le vent du soir s'élève et l'arrache aux vallons;
Et moi, je suis semblable à la feuille flétrie :
Emportez-moi comme elle, orageux aquilons!
 
LAMARTINE  Méditations poétiques. 

3 commentaires:

  1. Hello Bernard,

    On ne peut pas mieux décrire, mieux écrire, le
    poids de la tristesse et de la solitude.

    Je ne déteste pas la pauvreté de ma culture
    car je peux me délecter de l'enrichir.

    Merci de m'avoir fait découvrir
    ce merveilleux poème.

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  2. Aie !!! relire ce poème ne me rajeunit pas. Que de souvenirs ...Que de fois l'ai je entendu, appris eu lycée. Il figure en bonne place dans le Lagarde & Michard du XIXe siècle. Mon prof de français de l'époque récitait très souvent la première strophe.
    Selon LM, ce n'est que pure poésie dans le romantisme de cette époque, loin de la réalité. De sa montagne (le Craz au dessus de Milly) on ne peut voir aucun lac. Et il mêle un peu la Rhône et la Saône.
    Il était libéral dans le sens de l'époque pas du nôtre. C'était libéral par rapport au régime de la royauté, pour les libertés, pour l'affranchissement au pouvoir religieux ce qui l'a amené éphémèrement à faire de la politique avec des idées contemporaines comme la séparation de l’Église et de l’État, la liberté de la presse, contre la peine de mort etc...
    Bref de souvenance, un écrivain/poète/politique qui m'avait marqué quand j'étais lycéen.

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  3. Ah! le fameux vers :" Un seul être vous manque et, tout est dépeuplé"...MAIS... poème plein de larmes , poème de" pleurard" ( comme dit Musset) qui ne peut profiter de l'instant.
    Lyrisme , culte de l'absence , idéalisation d'un mal de vivre propre aux romantiques ...tous les ingrédients sont là , rien ne manque ! Ce pacte lyrique et autobiographique traduit-il un mal de vivre universel ? Peut-être...La nature est perçue du haut de la montagne ; le point de vue est ,cependant , un peu dominateur.
    Alors ? poème de la désespérance d'un poète ( qui dit dans Désespoir :" Quel crime avons-nous fait pour mériter de naître ?) ou hymne de l'espoir retrouvé ,dans la perspective chrétienne de la parabole du fils prodigue ?

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