jeudi 7 février 2013

Propos citoyen

Le blog que nous apprécions tous a perdu son auteur.

Nous ne lirons plus ses coups de gueule, coup de sang, ses analyses, ses espoirs, il ne verra pas non plus un jour meilleur se lever sur ceux qui souffrent le plus.

Beaucoup d'entre vous ne le connaissiez pas. Vous ne saurez jamais ce que vous avez manqué.

Bernard était comme il écrivait : excessif, brillant, fraternel.

Bernard ne connaissait pas l'indifférence, il aimait entièrement, il était fidèle en amitié.

Bernard ne connaissait pas le tiède.

Il aimait la vie.

Ce que vous avez lu sur son blog, c'était lui, sans fard.

Je n'intervenais que peu souvent sur son blog par manque de temps, car une discussion devenait vite passionnante. Nos échanges, nous les avions par téléphone, le soir que je rentrais du bureau, depuis ma voiture.

Ce que vous avez vécu depuis vos claviers, je le vivais de vive voix.

Combien de fois ai-je entendu mes propos qualifiés d'arguties stalinienne, combien de fois at-il raillé mon amitié avec Maxime GREMETZ. Mais je l'aimais comme on aime un frère, il avait tous les droits.
Il y eut des jours ou je me vexais au moins dix minutes, mais seulement en cas de désaccord profond, lorsque nos tempérament nous faisaient dire des mots dépassant nos pensées.

C'était Bernard, un homme de convictions profondément ancrées, en révolte contre une société qui ne laisse la place au fric et qui nie l'humain.

Je le savais lecteur assidu de mes écrits, spectateurs de mes vidéos.

Il les commentait sans concession, mais chaque critique me faisait avancer.

Je n'ai pas encore réalisé son départ. Je lui ai souvent reproché sa communication trop intrusive lorsqu'il faisait un article.

Mais aujourd'hui tout cela me manque déjà.

« Propos Citoyen » sera muet, ce sera un grand vide.

Adieu mon ami, Mon Camarade.

Jacques LAMBERT

samedi 2 février 2013

LA DETTE ? QUELLE DETTE ???




Un parfum de printemps 2005 ? À l’époque, le président de la République, M. Jacques Chirac, avait convoqué un référendum visant à ratifier le Traité constitutionnel européen (TCE). Les médias se firent unanimes : il fallait approuver le texte. La campagne se caractérisa néanmoins par une mobilisation inédite. Associations, organisations politiques et syndicales s’employèrent à décortiquer, expliquer et débattre un document pourtant peu engageant. Contre l’avis des « experts », les Français décidaient de rejeter le TCE à près de 55 %.
Huit ans plus tard, le chœur des éditorialistes résonne de nouveau : le fardeau de la dette impose aux peuples européens de se serrer la ceinture. Et, bien qu’aucun referendum n’ait été prévu sur la question pour demander leur avis aux Français, comme en 2005, une campagne « de terrain » a pris le pari – risqué – d’imposer dans le débat public une question que les médias s’emploient à taire : faut-il payer l’ensemble de la dette française ?


QUELQUES PRÉCISIONS CONTRE LES IDÉES REÇUES:

–  Les dépenses de l’ État français n’ont pas progressé depuis vingt ans, en pourcentage de la richesse totale produite ! Elles ont même un peu baissé, passant de 24 % du produit intérieur brut (PIB) au milieu des années 1980 à 22 % au milieu des années 2000 !!!

–  Les recettes de l’ État ont quant à elles perdu quatre points de PIB, passant de 22 % à 18 % sur cette période! Les "décideurs"ont donc fait le choix de priver l’ État de recettes.

Les cadeaux fiscaux décidés au cours des années 2000 représentent un manque à gagner de 100 milliards d’euros par an !

– De nombreux grands pays du monde, comme les Etats-Unis et le Royaume-Uni, ont une banque centrale qui prête directement à l’Etat à des taux proches de zéro et pas nous !

Si la banque centrale européenne (BCE) avait accepté de prêter directement aux pays de la zone euro comme elle le fait pour les banques, c’est-à-dire à 1%, aucun ne serait désormais confronté à une dette jugée “insupportable” !!!

–  On pourrait refuser de payer une dette publique quand on l’a contractée ? Mais, ça a déjà été fait !
  

POUR Y VOIR PLUS CLAIR :

L’excès de dette provient d’abord des cadeaux fiscaux concédés aux plus fortunés, des inégalités et des différentes opérations de sauvetage des banques.
Il faut retirer aux marchés financiers le monopole du financement des États et en revenir à des taux d’intérêt très faibles. La solution : une forte réduction des inégalités et une réforme fiscale radicale, « à la Roosevelt ». 

LA DETTE EST ILLÉGITIME !
 « Elle n’est pas conforme au bon droit, à l’équité, sur le plan moral, intellectuel ou matériel. »
Le premier argument est celui de l’injustice des décisions qui ont creusé la dette : fiscalité de classe, niches pour riches, hausse des inégalités…
Le second renvoie à des choix non conformes à l’intérêt général : confier les dettes publiques aux marchés, c’est-à-dire aux spéculateurs.
Le troisième met en avant des décisions prises à la fois « sur le dos » et « dans le dos » des peuples » : sur leur dos, en faisant payer la crise par ceux qui ne sont pour rien dans l’excès d’endettement ; dans leur dos, en raison du déficit de démocratie et de la mainmise de l’oligarchie néolibérale sur l’information.

Ne pas rembourser ??? 
Les exemples historiques de l’Argentine dans la première moitié des années 2000, de la Russie en 1998, de Équateur en 2007-2008, de l’Islande après la débâcle bancaire de 2008, offrent de nombreuses pistes de réflexion. Mais, comme la France n’est pas (ou pas encore…) dans la situation des pays précédents, ni dans celle de la Grèce ou de l’Irlande, la question reste ouverte : faut-il envisager une politique de non remboursement des créanciers pour une partie de la dette (annulation), un moratoire de plusieurs années sur une fraction de la dette sans versement d’intérêts de retard ? Est-il préférable que l’excès de dette soit payé, via des impôts, par les couches sociales et par les financiers qui l’ont provoqué et qui en ont souvent tiré profit ? Ces solutions, qui peuvent être combinées, ont en commun le refus de faire payer la crise aux catégories populaires.

Ce billet s'appuie sur un article du " Monde Diplomatique" et en reprend de longs extraits. Il se donne pour objectif de clarifier ce que nombre d'entre nous estimons obscur car relevant de "l'économie difficile à comprendre", de "ce que l'on nous cache", ou pire, de "ce qui ne peut être remis en cause car admis par tous" !
Si nous n'arrivons pas à simplifier, à vulgariser, de tels éléments de connaissance, les gens ne pourront jamais avoir conscience de la légitimité de certaines revendications et continueront encore longtemps à penser :
On n' y peut rien !
Ce sera toujours comme ça !
C'est bien ce que vous dites, mais c'est inapplicable !

ON EN PARLE, ICI OU AILLEURS ?

vendredi 1 février 2013

ET VIVE MONTEBOURG !

Je croyais avoir tout vu, entendu et compris depuis  8 mois et l'avènement de la gôôôôche au pouvoir !

Nous étions tout de même allés jusqu'à la réception en grandes pompes par le "Président normal" de Frigide Bargeot à l' Elysée allant de pair avec le refus de recevoir les travailleurs en lutte et la charge des CRS contre les "Florange" devant Matignon ! C'était déjà pas mal !

Mais cela ne suffisait pas !!! Il a fallu qu'un Ministre socialiste (qui a voulu faire croire qu'il était plus à gôôôche que les autres), déclare que "...la CGT doit mettre de l'eau dans son vin..." à propos du projet de fermeture de Goodyear Amiens-Nord ! BRAVO MONTEBOURG !
Renvoyer dos à dos les travailleurs qui défendent leur emploi et les financiers qui pratiquent les licenciements boursiers, voilà ce qu'est un gouvernement de gôôôôche !
Cela est d'autant plus magnifique que le "Président normal" était allé quémander les voix de ces mêmes salariés pendant la campagne en promettant une loi contre ce type de pratiques patronales !
Et on voudrait que je me considère comme un "ayant-droit" de ce gouvernement !
Non, Pierre, non, Jean-Luc, je n'ai rien à voir avec cela !
Non, je ne cautionne pas que la stratégie du "Président normal" consiste à faire un foin de tous les diables sur des débats certes importants, comme aujourd'hui avec le mariage pour tous, demain avec le cumul des mandats ou le vote des immigrés pour reléguer au second plan l'oubli total de ses promesses électorales sur le plan économique !
Non, Jean-Luc, non Pierre, je n'accepterai pas docilement une nouvelle charge contre notre système de retraites, orchestrée par les "socialistes" !
Non, je n'approuverai pas le mépris affiché par ces gens-là à l'égard des fonctionnaires !
Non, les copains, je ne vous suivrai pas si vous trouvez encore des circonstances atténuantes à cette traîtrise!

Je suis dans l' OPPOSITION à cette politique, 
donc à ceux qui la conduisent ! 
Et vous, toujours pas ?

mardi 29 janvier 2013

ECOEUREMENT MEDIATIQUE...


De Bamako à Mexico : l’écœurement médiatique

A peine les premières exécutions sommaires de Touaregs avaient-elles lieu à Sévaré, à peine les cadavres des otages d’In Amenas étaient-ils renvoyés dans leurs pays respectifs que « l’actu », dévoreuse d’images et de sensations fortes, passait à autre chose. Tournez manège.

Envolés les flonflons et les vivats des foules maliennes lancés aux troupes libératrices défilant comme à la parade. Oubliées les questions gênantes sur les intérêts stratégiques de la France au Mali et dans le Sahel, le rôle de notre ami le Qatar, celui de notre nouveau partenaire, l’Algérie des généraux...

Le Mali a fait pschitt...

En attendant le jeune et flamboyant vainqueur du Vendée Globe Challenge, le visage angélique de Florence Cassez apparaissait sur nos écrans et la tornade médiatique emportait tout sur son passage :
  • le discours néoconservateur à la Bush sur « la guerre contre le terrorisme »,
  • les interrogations sur les risques de l’enlisement par un déploiement de nos troupes au sol, contraire à la résolution de l’ONU,
  • les conséquences désastreuses de la guerre de BHL et de Sarkozy en Libye...
Le Mali a fait pschitt... Et que viva Mexico !
De Bamako à Mexico, le simplisme et l’arrogance des commentaires ont balayé toute analyse critique. L’émotion dégoulinait sur nos écrans jusqu’à l’écœurement, pour célébrer le retour de Florence Cassez, la madone des bordures, à laquelle il ne manquait que le chapelet d’Ingrid Betancourt.

Hollande ou Sarkozy ? L’agité ou le faux timide ?


Florence Cassez à l’aéroport de Roissy, le 24 janvier
La nouvelle icône, telle une actrice en « promo », émergeait de sept ans de détention, sourire et larmes mêlés, passant de plateaux en plateaux télés, pour tout nous révéler, en direct « live », de ses tourments, de ses humiliations, du rôle de ses parents, de son avocat, du président de son comité de soutien, des autorités françaises…
La seule question qui tourmenta le cénacle médiatique durant ces deux jours de folie fut justement de savoir quel Président avait le plus contribué à la libération de la compagne d’un kidnappeur et d’un dealer. Hollande ou Sarkozy ? Qui pouvait revendiquer la paternité de cette libération ? L’agité ou le faux timide ?
Deux écritures du storytelling élyséen se sont affrontées dans un combat à distance, arbitré par des présentateurs dont pas un ne daigna s’interroger sur l’importance donnée à ce qui n’était, au final, qu’un banal fait divers : une possible erreur judiciaire, doublée de fautes procédurales caractérisées envers une compatriote emprisonnée comme 3 200 autres Français à l’étranger.

Du Cassez matin, midi et soir

A croire qu’en de telles circonstances, il devenait indécent d’évoquer l’état de déliquescence avancée de la démocratie mexicaine, entre les mains de clans corrompus, sous la domination des narcotrafiquants et de la politique économique des Etats-Unis.
Nous avons donc eu du Cassez durant deux jours. Jusqu’à l’indigestion. Du Cassez, matin, midi et soir, du Cassez en continu et flux tendu. Avec son cortège d’« experts » commentant des images insipides d’un avion tardant à se poser, d’officiels défilant sur le tapis rouge du tarmac, devant micros et caméras, comme au Festival de Cannes… De Bamako à Mexico : silence on tourne !
En son temps, j’avais instruit le procès de cette industrialisation de l’émotion, dans un livre coécrit avec Patrick Farbiaz ( « La Tyrannie de l’émotion »). Tout y est dit – ou presque ! –, du culte de l’urgence aux cellules de crise régentant l’agenda médiatique, de l’abolition des frontières entre vie privée et vie publique à la confusion des sentiments…

Des médias livrés au BTP et aux marchands de canons

Mais on ne peut qu’être abasourdi devant cette soumission de la gauche de gouvernement aux règles du jeu de la « dictature de l’audimat ». Cette reproduction du spectacle sarkozyste, pourtant combattue pendant la campagne présidentielle au nom de la présidence « normale », n’est pas une fatalité. Tout comme le respect de l’indépendance des médias par le pouvoir politique, elle-même bafouée cette semaine par la nomination du président du CSA. Un ancien directeur de cabinet d’un Premier ministre de gauche succède à un autre directeur de cabinet d’un autre ancien Premier ministre de droite.
En renonçant à s’attaquer à la forteresse des médias, notamment par l’adoption d’un système anticoncentration et l’interdiction de l’accès aux marchés publics à des sociétés détentrices du capital des chaînes privées, la gauche abdique toute velléité de transformation d’un secteur livré au BTP et aux marchands de canons, de Bouygues à Dassault et Lagardère. Dans les médias, le changement ne semble pas pour maintenant !

Elle aurait une autre gueule, la gauche...

PS : la manifestation de soutien au mariage pour tous a été un succès. Deux semaines après la mobilisation des anti, les pro-mariage ont montré l’existence de deux France campées sur leur position. On le savait. Mais en regardant les centaines de milliers de manifestants défilant joyeusement pour défendre l’égalité des droits, je me disais que si l’on veut créer un rapport de forces utile au changement, on le peut.
Et si l’on faisait de même avec le droit de vote des étrangers ? Pour demander la fin du contrôle aux faciès ? Le droit de mourir dans la dignité ? La fin des licenciements boursiers ou la transition énergétique, sans nucléaire et sans gaz de schiste… 
Elle aurait une autre gueule, la gauche, non ?

dimanche 27 janvier 2013

ON NOUS CACHE TOUT ........

Alors que les moyens de communication, de transmission, d'information n'ont jamais été aussi élaborés et aussi sophistiqués, nous avons rarement été aussi mal informés !
Le battage organisé à longueur de médias sur des sujets quasiment sans importance tente de nous faire oublier les véritables problèmes !
Dans la dernière période, les plaintes de Fillon et les jérémiades de Copé nous ont occupé des semaines durant...

Le "débat sur "la mariage pour tous", qui est simple à résoudre tant il est évident que les droits de chacun ne peuvent être discriminés sur la base de préférences sexuelles, a faussement occupé les antennes alors que le seul véritable problème pouvant être posé à cet égard me semble être celui de la gestation pour autrui qui pose la question éventuelle de la marchandisation du corps humain...

On arrive à nous faire passer la libération de Madame CASSEZ comme le retour triomphal d'une otage alors que, même si on ne peut que se féliciter du retour de cette jeune femme dans son pays, quelques zones d'ombre subsistent sur sa participation active ou passive à des pratiques prohibées...

On voudrait nous faire croire que la guerre au Mali est presque une mesure prise dans l'urgence alors qu'elle est minutieusement préparée depuis de longs mois, voire depuis des années !

Dans ces conditions, qui ne poussent pas vraiment le Peuple à l'analyse et la réflexion, comment voudrait-on que les gens ne disent pas NON aux faux problèmes, qu'ils ne considèrent pas que leurs vrais problèmes quotidiens sont trop rarement évoqués, qu'ils ne se détournent pas de la participation à la vie de la cité et que leur méfiance ne monte pas face aux politiques et aux journalistes ?



"On nous cache tout, on nous dit rien" me semble toujours d'une actualité dangereuse !




dimanche 20 janvier 2013

MES IDOLES !...


Léo Ferré
LES IDOLES N'EXISTENT PAS


Une solitude peuplée, voilà le sens de notre condition sociale.
Une solitude peuplée d'images. Voilà pourquoi les hommes n'aiment guère quitter la ville.
Il faut beaucoup d'abnégation pour vivre ailleurs que dans le cercle.
Les sages qui y parviennent sont rayés des listes. On n'aime guère les marginaux.

Le sens commun, disait Debussy, est une religion inventée pour excuser les imbéciles d'être trop nombreux.
C'est le sens commun qui invente les dieux, les idoles, disons-nous aujourd'hui.
L'homme contemporain est manigancé selon les canons d'une politique qui doit plus à la religion de l'image qu'à Karl Marx.
L'idole c'est d'abord une image, c'est un trait, une figuration. Mme Garbo était une actrice. M. Aznavour est une idole.
Les idoles laides sont plus rentables dans ce commerce misérable parce qu'elles répondent mieux aux demandes du voyeur commun qui se retrouve plus facilement dans un Aznavour que près d'une Garbo.
Au fait, sans voyeur, pas d'idoles.

Ce n'est pas la plastique qui fait l'idole mais le potentiel de désirs, d'inventions larvées au fond des lits
songeurs, c'est l’œil qui fabrique l'image.
Une idole mal rasée, les yeux cernés, offerte comme sur une
descente de lit, est aussi efficiente que Mme Bardot tirée à quatre caméras.
Ce n'est donc plus tant la beauté qui compte mais une certaine
présence contrôlée par une firme de disques, un éditeur de livres, un cartel de publicité.
Supprimez le tireur de ficelles: plus d'idole, rien.
Pour être une idole il faut, d'une façon ou d'une autre, être dans le champ, sur les murs, il faut se donner.
La prostitution ça n'est pas seulement vendre son corps, c'est d'abord le proposer.
Le tic de langage qui se traduit par le mot pin up est intéressant à tous égards.
On dit d'une fille bien balancée que c'est une pin up, alors qu'on devrait dire plus précisément: c'est une épinglée.
Le critère de l'idolâtrie c'est l'épingle. Trois phases: l'offertoire, la torture, l'exposition.
L'offertoire sur la scène, à l'écran de télévision, dans les colonnes de "France-Dimanche".
Comme à la foire, on palpe, on discute, on prend.
La torture cela se passe après, quelquefois dans la rue - l'idole est objet
public, comme certaines filles - c'est le regard possessif, l’œil du maquignon.
La torture est consommée, vite, par l'autographe, ce don de l'écriture à défaut d'autre chose.
L'exposition, enfin, sur le mur de la chambre, l'épingle qui tue l'idole. On a l'icône qu'on peut.

Juste le temps de se mettre un peu dans le sens de l'histoire, et voilà qui surgit du plus profond de notre condition, un catalogue d'idoles où les dieux le disputent aux ténors de la politique ou de la cléricature.
Si Johnny Hallyday était prêtre, que d'encens dans les maisons les plus pasteurisées, que de messes, que de prières, que d'indulgences n'inventerait-on pas pour faire d'un chanteur de music-hall un nouveau Bouddha, un Jésus aux bottes de cow-boy.

J'ai le temps nécessaire, juste le temps de rentrer ma prière au fond de ma gorge et d'aller me gargarisant de blasphèmes. Rien ne vaut rien.
Aucun homme ne vaut aucune peine. La prière, qu'elle monte d'un matin froid, dans une église banale, ou qu'elle exsude d'une machine à musique est une horreur d'indigence.
De Gaulle, Paul VI, Einstein, Sartre, Vartan, Brassens, Jazy... qu'est-ce que cela veut dire? Sartre dit que la littérature vacille devant un homme qui a faim. Mais tout vacille, même devant l'homme repu.
Alors? Alors, crachons sur les idoles, de toutes façons.
J'enrage à la pensée d'imaginer un homme se prosternant. Je me prosterne devant l'amour, tout juste. J'aime sans plier jamais. On parle aujourd'hui des "idoles" comme s'il s'agissait de calmants, d'excitants, de "gadgets" de parapluies, de remèdes enfin contre l'ennui, les maux de dents, les allocations familiales...
Ça ne va pas? Achetez-moi donc l'idole du jour, de l'heure, le dernier disque de Machin, et tout ira bien.
Écoutez Europe 1 et vous saurez tout de cette nouvelle sociologie de l'adoration.
Dans un café, à Lyon, la fille de la maison me dit sans rire: "Mon Johnny".
C'est ici que je touche à la seule vérité de l'idolâtrie contemporaine...

D'accord, je prends votre idole, je vous l'achète, mais il faut qu'elle soit à moi, totalement, pas le disque, mais la personne, la chose vivante que vous m'avez proposée et vendue toute gravée dans la cire.
Il faut que je couche avec. C'est mon, c'est ma. Je n'ai pas d'autel chez moi, alors, vous permettez?
La photo et le transfert y suppléeront. Demain, je changerai. Tiens, Zitrone! Pourquoi pas? Zitrone - Zeus...

Les idoles ne crèvent pas, on en change. Il est significatif que notre époque soit une époque de "mots".
Le mot est devenu la clef de notre décrépitude, de nos angoisses, de notre soumission au roi, au chef, à l'État.
Le mot idole a été réinventé par les marchands. Il est repris à son compte par l'État.
Regardez la télévision: les idoles font passer le temps et les mauvaises nouvelles. L'idole meuble l'horaire quand il manque de fait divers.
Du temps de Rudolf Valentino, on ne parlait pas d'idole. Le fait passa comme la gale. Aujourd'hui on ne se suicide plus pour un Rudolf.
L'idole est la dépendance d'un érotisme à papier d'emballage.
Cette fille de Lyon qui me parlait de son Johnny, qui sait, la nuit venue, ce qu'elle fait de son autographe épinglé? Elle se signe, probablement.

La télévision est une mangeuse d'idoles. Une mante.   
Passez à l'écran, sortez dans la rue: on vous demandera de signer, signer...
Les hommes doivent être bien malheureux qui s'en vont chercher l'icône jusqu'aux cabinets.
Cabinet en vérité que cette télévision qui entre chez vous à
l'heure dite, qui vous mange l’œil comme le serpent mange l’œil de l'oiseau.
Ce sont tout de même ces "images" qui font la pluie, le beau temps et les ventes dans les kiosques.
Quand il m'arrive de passer sur le petit écran je ne me dissocie pas de ces guignols. J'en suis un moi aussi.

Au dehors, quand je "signe", je m'arrange toujours pour supprimer le piédestal.

Je suis horrifié par les yeux en quête de chair divine. Je laisse ça à l'eucharistie.
Je suis un homme comme vous, jeune homme!

C'est parce qu'il y a des images qu'on vous envoie dans l’œil à l'aide de cet autel électronique appelé télévision, c'est pour cela et par cela qu'il y a et qu'on vous vend ce qu'on a convenu de nommer les idoles.
Avant cette vente forcée de visages électrifiés, il n'y avait d'idoles que dans les temples.

Les idoles qu'on nous propose sont des chagrins d'enfants sculptés par des employés de commerce.
Les techniques d'information et de diffusion sont au service du raccourci. Exclusif: Sylvie - Johnny.
L'événement: Bardot - Moreau. Élisabeth souffre en silence. Soraya sans Shah...
Les idoles se vendent deux francs, chaque semaine. Nous vivons à 200 à l'heure.
Nous aimons à 200 à l'heure. Nous mourrons bientôt de même.
Une revue comme Janus a éprouvé le besoin de faire une enquête sur les idoles. Fait social?
Non. Fabrique d'images pour yeux inertes. Quant aux yeux forcés, violés, qu'ils se dépêchent de regarder ailleurs.
On se laisse prendre à ces serpents de malheur.

Des marchands inventent des besoins en même temps qu'ils les satisfont.
Le besoin d'idolâtrie ne va pas sans le disque ou le journal et l'obstacle inclus que l'on doit vaincre.
Mettez un leurre dans la cage au rat: le pauvre finira bien par se leurrer et l’œil, objectif, derrière la vitre,
s'informera d'une particulière sociologie: le réflexe conditionné...
Les idoles n'existent pas, même dans la cage au rat . Les idoles, ce sont les leurres.
Passez à côté. J'ai connu, je connais des hommes, des femmes célèbres.
J'ai vu Ravel, en 1933, dans une salle de concert, à une répétition d'orchestre et Paul Paray se tournant de temps à autre et lui disant: "Maître..."
Je le regardais. Il était petit, tout blanc et ne ressemblait pas à sa musique.
J'ai vu, chez lui, en 1948, Fernand Léger devant un tableau d'une cruauté mentale à me faire douter de mes lunettes.
Il me demanda ce que j'en pensais. Je reculai d'effroi et de lâcheté.
Il est des gens qui mettent Léger dans leur moulin à prières.
Pour moi Léger était gros et gentil. Il n'y a pas d'idoles. Non.
L'idolâtrie est littéraire ou imbécile. Il n'y a que des hommes, et encore...

Il y a la vie, et puis la mort. C'est tout.


LEO  FERRE

mardi 15 janvier 2013

BETISE DE LA GUERRE

BÊTISE DE LA GUERRE


MOI, PRÉSIDENT...
Ouvrière sans yeux, Pénélope imbécile,
Berceuse du chaos où le néant oscille,
Guerre, ô guerre occupée au choc des escadrons,
Toute pleine du bruit furieux des clairons,
Ô buveuse de sang, qui, farouche, flétrie,
Hideuse, entraîne l’homme en cette ivrognerie,
Nuée où le destin se déforme, où Dieu fuit,
Où flotte une clarté plus noire que la nuit,
Folle immense, de vent et de foudres armée,
A quoi sers-tu, géante, à quoi sers-tu, fumée,
Si tes écroulements reconstruisent le mal,
Si pour le bestial tu chasses l’animal,
Si tu ne sais, dans l’ombre où ton hasard se vautre,
Défaire un empereur que pour en faire un autre ?


Victor Hugo

       
MINISTRE SOURIANT...
SOLDAT MORT...