
Écoutez comment un beau soir,
Ma mère m'enseigna les mystères
Du verbe être et du verbe avoir.
Parmi mes meilleurs auxiliaires,
Il est deux verbes originaux.
Avoir et Être étaient deux frères
Que j'ai connus dès le berceau.
Bien qu'opposés de caractère,
On pouvait les croire jumeaux,
Tant leur histoire est singulière.
Mais ces deux frères étaient rivaux.
Ce qu'Avoir aurait voulu être
Être voulait toujours l'avoir.
À ne vouloir ni Dieu ni Maître,
Le verbe Être s'est fait avoir..
Son frère Avoir était en banque
Et faisait un grand numéro,
Alors qu'Être, toujours en manque
Souffrait beaucoup dans son ego.
Pendant qu'Être apprenait à lire
Et faisait ses humanités,
De son côté, sans rien lui dire
Avoir apprenait à compter.
Et il amassait des fortunes
En avoirs, en liquidités,
Pendant qu'Être, un peu dans la lune
S'était laissé déposséder.
Avoir était ostentatoire
Lorsqu'il se montrait généreux,
Être en revanche, et c'est notoire,
Est bien souvent présomptueux.
Avoir voyage en classe Affaires.
Il met tous ses titres à l'abri.
Alors qu'Être est plus débonnaire,
Il ne gardera rien pour lui.
Sa richesse est tout intérieure,
Ce sont les choses de l'esprit.
Le verbe Être est tout en pudeur
Et sa noblesse est à ce prix.
Un jour à force de chimères
Pour parvenir à un accord,
Entre verbes ça peut se faire,
Ils conjuguèrent leurs efforts.
Et pour ne pas perdre la face
Au milieu des mots rassemblés,
Ils se sont répartis les tâches
Pour enfin se réconcilier.
Le verbe Avoir a besoin d'Être
Parce qu'être, c'est exister.
Le verbe Être a besoin d'avoirs
Pour enrichir ses bons côtés.
Et de palabres interminables
En arguties alambiquées,
Nos deux frères inséparables
Ont pu être et avoir été.
Un peu de légèreté pour un vendredi soir ! Mais n'y a-t-il que de la légèreté dans ce texte ? A vous lire !
RépondreSupprimermonsieur je découvre votre blog par un lien de facebook sur le mur d'une ami. Mélanger politique et poésie, quelle drole d'idée.Mais ce n'est pas pour me déplaire moi qui me suis construit à partir de rien grace à la découverte d'une fable dans un vieux livre jauni qui m'a donné l'envie de découvrir d'autres texte, d'ouvrir d'autres livres, de chercher les mots inconnu dans un dictionnaire. Voila le coté livres et poésie.Pour le côté politique, je dois dire que sans l'ascenseur social que représentait la communale de ma petite ville de l'ouest, sans un instituteur radical qui nous a appris la république et l'humanité, je ne serais pas beaucoup de nos jours à l'age de 68 ans. Alors si ca vous chante, c'est le cas de le dire, mélangez, mélangez, je reviendrai. Merci.
RépondreSupprimerAucune légèreté dans ce texte poétique qui pose des questions au centre de nos vies.
RépondreSupprimer“Le choix entre avoir et être, en tant que notions contraires, ne frappe pas le sens commun.
Avoir, semblerait-il, est une fonction normale de notre vie : pour pouvoir vivre, il faut avoir certaines choses. En outre, nous devons avoir certaines choses afin d’en tirer plaisir. Dans une culture dont le but suprême est d’avoir — et d’avoir de plus en plus — et où on peut dire d’un individu qu’ « il vaut un million de dollars », comment peut-il y avoir une alternative entre avoir et être?
Au contraire, il semblerait qu’avoir est l’essence même d’être ; et que celui qui n’a rien n’est rien. Pourtant, les grands maîtres de la Vie ont fait de l’alternative « avoir ou être » le thème central de leurs systèmes respectifs. Bouddha enseigne que, pour pouvoir parvenir au plus haut niveau de développement humain, nous ne devons pas être avides de posséder. Jésus nous dit : « [...] que servirait-il à un homme de gagner tout le monde, s’il se détruisait et se perdait lui-même? » (Luc 9, 24 25). Maître Eckhart enseignait que ne rien avoir, se rendre ouvert et « vide », est le seul moyen d’atteindre la richesse et la force spirituelles. Marx enseignait que le luxe est tout autant un vice que la pauvreté et que nous devrions avoir pour but d’être plus et non d’avoir plus. [...] Pendant des années, j’ai été profondément impressionné par cette distinction et je cherchais sa base empirique dans l’étude concrète des individus et des groupes par la méthode psychanalytique.
Ce que j’ai découvert m’a amené à conclure que cette distinction, tout comme celle qui existe entre l’amour de la vie et l’amour de ce qui est mort, représente le problème le plus fondamental de l’existence ; que les données anthropologiques et psychanalytiques empiriques tendent à démontrer que avoir et être sont deux modes fondamentaux d’expérience dont les forces respectives déterminent les différences de caractères chez les individus et les différents types de caractères sociaux.”
ERICH FROMM
Merci à vous, Monsieur Caradec, pour nous avoir fait partager une once d'intimité à travers ce merveilleux souvenir d'un livre et d'un enseignant ! Vous serez toujours le bienvenu sur ce blog !
RépondreSupprimerMerci au contributeur anonyme qui nous fait partager une analyse intéressante d' Erich From, que j'avoue ne pas connaître.
Le débat aura sans doute lieu sur la base de ce commentaire riche !
Bonne soirée à toutes et tous !
bonjour
RépondreSupprimerAVOIR est absent de certaines sociétés où il est question de PROPRIETE FONCTIONNELLE, c'est à dire de possession pour l'usage. Ce mot évolue en fonction de la conception que l'on a de la PROPRIETE PRIVEE.
ETRE implique au contraire l' amour, le partage et le don.
Nos conditions d'existence, la société qui nous environne, nous porte vers le "mode " AVOIR, alors que nous avons en fait un désir profondément enraciné d' ETRE, de nous exprimer, d'avoir des relations sociales, de sortir de l'égoïsme.
ETRE et AVOIR peuvent donc effectivement apparaître comme antagonistes, puisque pour faire croître ETRE, il faut s'attaquer à AVOIR. ETRE demande que nous soyons VIDES et PAUVRES.
L'avoir auquel nous nous accrochons parce qu'il renvoie au sein de notre mère qui est notre seule possession confondue avec notre propre corps à la naissance, cet AVOIR auquel nous tenons tant puisque le lâcher pour la LIBERTE est un saut dans l'inconnu, donc dans le DANGER...cet AVOIR dure tout au long de notre vie et concerne l'avant, le pendant et l'après nous. Par exemple nous AVONS notre après vie quand on achète un tombeau, quand on souscrit une assurance vie, quand on rédige ou on communique nos dernières volontés.
Pour ETRE, il faut abandonner AVOIR. ETRE, c'est le HEROS. ABRAHAM, MOISE chez les juifs, JESUS chez les catholiques, BOUDDHA dans la théologie hindoue sont des heros. Ils abandonnent ce qui est convenu, ce qui est sur , ce qui est confortable, pour une vie de DETACHEMENT.
Si nous admirons ces héros sans pouvoir leur ressembler, c'est bien parce que tout nous porte naturellement vers ETRE et non vers AVOIR.Cela nous fait peur mais on devrait considérer que l' AVOIR peut toujours être perdu et sera forcément perdu au moment de notre mort. Dans le monde de l' ETRE, je ne peux rien perdre, car mon centre est en moi, et non extérieur.
ETRE c'est la capacité d'aimer de donner donc d'être heureux, d'AVOIR du bonheur...AVOIR, même là ? IL FAUT TOUT RECOMMENCER...
Je retranscris ici une contribution laissée sur ma boîte mail, par "Lucie StefVesp", qui a des problèmes techniques la privant de la possibilité d'intervenir directement sur le blog :
RépondreSupprimerJe n'ai toujours pas résolu mon problème Google. Je vais tenter de retrouver mon propos car je n'ai pas fait de brouillon..pourtant j'ai toujours dit aux élèves :"faites un brouillon !!""...Comme quoi "nul n'est parfait" (( derniers mots de la dernière image du film de B. Wilder "Certains l'aiment chaud" ( si mes souvenirs sont exacts )).
A tes bons soins . Bon week-end à vous deux .
Lucie.
Le mode "être" naît de la décroissance du mode "avoir" (qui est le non-être) . Pour être ,faut -t-il accepter d'abandonner l'égoïsme et cesser de se sécuriser , de chercher son identité en s'accrochant à ce que nous avons car c'est alors choisir de stagner , de refuser d'avancer par peur de l'inconnu ." L'avoir " peut apparaître , certes , sécurisant mais une existence structurée sur "l'avoir" , la possession des biens matériels ne nous empêcherait - elle pas d'être nous -mêmes ?... ne nous empêcherait- elle pas ,d'être ce que l'on est . Toute sécurité ne peut , en fait , être menacée qu'intérieurement ( paresse intérieure , manque de confiance...) , mais ce danger n'est pas lié au mode de "l'être" , comme le danger de perdre est inhérent au mode de "l'avoir".
Etre , n'est-ce pas finalement être libre de l'avoir . Le sens de la vie réside dans" l'être "et non dans "l'avoir".
De plus "l'avoir" se conjugue parfois avec le paraître aussi est-il nécéssaire de privilégier " l'être"au "par-aître "..."par-être"sans jamais finir par l'être.
C'est avec plaisir que je découvre ce blog, grande diversité de ton et subtil mélange des genres à la fraîcheur presque adolescente. C'est l'humanité du combat qui frappe ici. Merci l'ami Bernard Bourelly, merci pour tout.
RépondreSupprimerMerci à toi, Norbert ! Quel plaisir de te "croiser" ici ! J'espère que tu auras l'occasion de nous faire part de tes points de vue avisés sur bien des sujets, avec ta sagesse légendaire !
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